3. Un cas d’école de gratification différée
Un des pièges les plus fréquemment rencontrés, et dans lequel la majorité des entreprises tombent, est celui de la monétisation trop précipitée.
Une course à la rentabilité qui a d’ailleurs coûté très cher à WhatsApp, qui dans sa course effrénée à la monétisation, a prêté le flanc à une vague considérable de critiques.
Telegram, de son côté, a choisi une approche tout autre : celle de la gratification différée.
Au lieu de bombarder les utilisateurs de publicités pour maximiser son profit à court terme, Telegram a préféré s’en priver pour mieux asseoir sa place dans son industrie.
Ce faisant :
- Ils réduisent la charge cognitive des utilisateurs
- Ils démontrent une cohérence entre leur promesse et leurs actes
- Ils maximisent la confiance à l’égard de l’app.
Un choix qui leur permet de maximiser la monétisation a posteriori, par la vente de fonctionnalités Premium qui décuplent l’expérience des power users, ravis de payer, et dont la rétention sera, de fait, de longue durée.
Leçon : Nous sommes tous faibles face aux sirènes de la gratification instantanée. En toute chose, pars du principe simple que, tendanciellement, plus une récompense est tardive, plus celle-ci sera conséquente.
Et tu peux l’appliquer de manière très concrète :
- En prenant tout le temps qu’il te faut pour créer un produit exceptionnel avant d’accélérer ta distribution.
- En prenant le temps de rencontrer un nombre considérable de candidats afin de trouver le bon profil.
- En t’interdisant de monétiser ton contenu pendant un long moment afin de maximiser ton assise auprès de ton audience.
Les cas d’usage sont infinis.
En fait, la gratification différée est un jeu d’équilibriste perpétuel et imprécis par nature entre le “trop tôt” et le “trop tard”.
Ce n’est pas une science exacte.
Mais la garder en tête contribue à se tromper un peu moins.
4. Design minimaliste, retombées maximalistes
Telegram fait peu de choses. Mais il les fait bien.
Plutôt que d’ajouter des fonctionnalités inutiles, Telegram se concentre sur l’essentiel : une messagerie rapide, sécurisée, et fiable.
Cette approche minimaliste fait toute la différence.
Ce concept de minimalisme stratégique repose sur l’idée que la simplicité est souvent synonyme d’efficacité.
En se concentrant sur un nombre limité de fonctionnalités, Telegram peut se permettre de les perfectionner, garantissant une expérience utilisateur exceptionnelle.
On l’observe nous-mêmes avec notre propre produit : plus le temps passe, plus nous le simplifions, et plus les résultats de nos clients explosent.
D’ailleurs, cette tendance te paraît contre-intuitive, c’est pour une raison simple : celui du biais de complexité.
En effet, la psychologie comportementale nous apprend que le cerveau a une tendance à faire un lien fallacieux entre la complexité et l’efficacité. En gros : plus c’est compliqué, plus ça marche.
Dans les faits, c’est tout le contraire. A fortiori en Product Design.
Et ça s’explique par une notion cruciale : la charge cognitive.
Chaque information que tu donnes à ton client est une donnée qu’il doit prendre en compte. Et qui lui coûte, de fait, de la bande passante cognitive.
Plus tu lui délivres de l’information, plus cette bande passante sera encombrée, et moins ton client ou utilisateur sera en mesure d’utiliser ton produit avec efficacité.
Ce que Steve Jobs illustre d’ailleurs parfaitement avec sa citation : “le seul bouton dont un micro-ondes a besoin est “+30 secondes””.
En s’attelant à un minimalisme drastique, tant dans son design que ses fonctionnalités, Telegram enclenche une boucle vertueuse :
- L’utilisateur comprend instantanément comment l’utiliser
- Donc, il passe rapidement à l’action
- Donc, il reçoit un premier échantillon de valeur
- Donc, il poursuit sa découverte (et son adoption) du produit.
Leçon : Concentre-toi sur l’essentiel. Développe tes forces au lieu de disperser tes efforts. Une offre simple mais puissante aura toujours plus d’impact qu’un produit surchargé de fonctionnalités.
La clé du succès réside dans l’art de dire "non" aux fonctionnalités inutiles pour pouvoir dire "oui" à celles qui comptent vraiment.
5. Un cas d’école Growth Marketing
Le premier niveau d’analyse de la stratégie de Telegram est celle du Framework AARRR, ou modèle derrière toutes les stratégies de croissance pérennes, qui rassemble tous les leviers qui permettent à une entreprise de croître :
- Acquisition : attirer de nouveaux clients/utilisateurs
- Activation : leur faire comprendre et expérimenter la valeur
- Rétention : les faire rester le plus longtemps possible
- Referral : faire en sorte qu’ils fassent venir leurs copains
- Revenue : monétiser la collaboration autant que possible.
Un principe que l’app a appliqué à merveille.
Chaque étape du cycle de vie de l’utilisateur est optimisée pour maximiser la satisfaction et l’engagement :
Acquisition : Telegram utilise des moments clés de doute ou de crise sur d'autres plateformes pour se positionner comme la meilleure alternative. Elle repose aussi sur la distribution organique de ses power users, notamment les créateurs de contenu, qui invitent leurs audiences à les rejoindre sur l’app.
Activation : Telegram fournit rapidement de la valeur avec des fonctionnalités essentielles, de sorte que l’utilisateur cerne immédiatement l’utilité de l’application.
Rétention : Telegram fidélise ses utilisateurs avec 3 leviers :
1. Fidélisation par des mises à jour régulières et des options de personnalisation.
2. Maximisation de l’effet de réseau (plus d’utilisateurs sur l’app = plus de valeur à recevoir en tant qu’utilisateur)
3. Maintien sans aucune concession de sa ligne directrice, qui cristallise toujours plus la confiance de ses utilisateurs.
Referral : Telegram encourage les utilisateurs à inviter leurs amis grâce à des groupes et canaux. La nature sociale de Telegram incite les utilisateurs à inviter d’autres personnes, renforçant la communauté et créant un effet boule de neige.
Revenue : Telegram offre des options payantes sans perturber l’expérience gratuite. La monétisation est subtile, de sorte qu’elle ne perturbe jamais l’utilisateur qui préfère rester sur la version gratuite.
Avec l’AARRR, on peut expliquer une bonne partie de l’hypercroissance de Telegram.
Mais nous arrêter à ce niveau d’analyse reviendrait à ne faire que la moitié du travail.
Car dans les faits, Telegram va bien plus loin qu’un AARRR bien structuré.
Sa croissance, l’app la doit à sa Flywheel :